Le memorandum de l’artiste-interprète (2014)

Le 25 mai 2014, les Belges ont élu 479 nouveaux représentants pour 6 parlements différents. Nos musiciens et acteurs se sont également rendus aux urnes. Car eux aussi méritent d’être dûment entendus dans les cénacles de la démocratie.

Qu’ils soient musiciens ou acteurs, les artistes-interprètes sont le visage de notre culture. Ils jouent, sans conteste, un rôle important dans l’expérience culturelle de chacun. Pourtant, entant que profession, ils peuvent rarement compter sur une approche globale et ils continuent de se faire balloter entre divers statuts et cadres réglementaires. L’incertitude juridique qui en découle empêche souvent le développement d’une carrière fructueuse.

Nous voulons donc inciter les différentes autorités compétentes de ce pays – et à l’avenir pouvoir intervenir à ce sujet – à élaborer une stratégie juridique et politico-culturellecohérente pour les secteurs de la musique et de l’audiovisuel, pensée et mise en œuvre au delà des débats communautaires et qui ne perdrait bien sûr pas de vue les dimensions européennes et internationales cruciales.

Ce mémorandum a été établi par PlayRight, la société de gestion collective des droits voisins des artistes-interprètes en Belgique, et a été envoyé aux groupes d’intérêt, aux syndicats et aux organisations qui soutiennent les intérêts des artistes, des deux côtés de la frontière linguistique.

Il énumère un certain nombre de recommandations. Certaines d’entre elles visent la modification ou la prise d’une décision politique, d’autres se concentrent sur la réforme d’une disposition légale en particulier. Chacune de ces recommandations a pour butd’améliorer la situation socio-économique de nos artistes-interprètes.

Le mémorandum espère aider les futurs responsables politiques en les guidant dans leursoutien des artistes-interprètes. La liberté de choisir une vie d’artiste-interprète existe bel et bien, tout comme la possibilité de s’épanouir en tant qu’artiste-interprète. Et pourtant, denombreux artistes se sentent encore limités dans le développement de leur carrière. Car, même s’ils s’engagent à fond dans toutes les opportunités qui se présentent, il s’avère de plus en plus difficile de vivre décemment de leurs activités artistiques.

C’est pourquoi ce mémorandum se concentre principalement sur les sources de revenus denos artistes-interprètes. Il est construit autour de trois piliers fondamentaux :

  • le principe que tout travail mérite salaire,
  • les droits voisins de l’artiste-interprète,
  • Et une politique culturelle et de subsides axée sur l’emploi des artistes-interprètes.

Toutes ces modifications ne sont pas de la seule responsabilité des gouvernements de cepays. Un accord sectoriel est parfois nécessaire avant de pouvoir mettre en place les mesures qui leur donneront force de loi. Il incombe toutefois bel et bien au gouvernement d’intervenir dans ces situations en tant qu’initiateur, en tant que moniteur et en tant que modérateur, avec la mission de veiller à ce que la voix des artistes-interprètes soit entendueau sein des débats politiques et sectoriels qui les concernent.

Au nom de tous les artistes-interprètes, nous espérons très sincèrement que les recommandations énoncées dans le présent mémorandum trouveront leur place dans les politiques que les différents gouvernements de ce pays instaureront très prochainement.

Mettons-nous d’abord d’accord sur la définition d’un artiste-interprète

On ne trouve nulle part dans la législation belge une définition uniforme de qui est un artisteou de ce que fait un artiste. Les différents organes auxquels il sera confronté au cours de sa carrière appliquent chacun leur propre définition. Les différences se situent dans la naturede l’activité, la personne qui exécute l’activité, ou dans la nature de la rémunération généréepar l’activité. Ceci entraîne une incertitude juridique. Dans tous les domaines juridiques(sécurité sociale, fiscale, réglementation chômage, etc.), les mêmes critères devraient êtreretenus afin de proposer un cadre clair et uniforme.

D’après nous, il faut donc formuler une définition large et uniforme de la notion d’artiste (créateur et interprète) qui pourra être appliquée à tous les domaines et par tous lesorganes qui interagissent dans leur vie professionnelle. Un lien devra à nouveau être faitavec les notions de « travail », « prestation », « auteur » et « d’artiste-interprète », de sorte qu’elles soient convenablement définies et appliquées dans le droit d’auteur et les droitsvoisins.

Il vaut mieux que la formulation de cette définition uniforme se fasse dans le giron de la nouvelle Commission Artistes.

Recommandation 1: donner la priorité à la mise en place de cette nouvelle Commission Artistes, mais également de garantir que les artistes-interprètes y soient suffisamment représentés.

1. Tout travail mérite salaire

Le travail d’un artiste-interprète consiste à réaliser des performances artistiques. Le gouvernement ne doit pas seulement soutenir l’artiste au chômage, mais surtout s’occuper de la situation de l’artiste qui travaille. En effet, celui-ci a des plus en plus de difficultés à se constituer un salaire décent avec de multiples missions de courte durée.

L’artiste-interprète doit constamment se battre contre l’argument selon lequel « il n’y a pas de budget » et doit trop souvent choisir entre la plus-value qu’il apporte à un projet et la « chance » qui s’offre à lui de s’exprimer à un public. Cette tendance a pour conséquence que l’artiste-interprète se voit dans l’obligation de réaliser des performances à des tarifs très bas, voire gratuitement.

Si une société veut bénéficier d’un groupe suffisamment large de producteurs de culture, alors il lui incombe de veiller à ce que suffisamment de moyens et un statut juridique adéquat soient mis à leur disposition. Et ce afin d’assurer que les candidats ne se voient pas au final contraints de troquer une existence incertaine contre un emploi «classique » à temps plein.

 Un salaire minimum pour la réalisation de performances artistiques (F)

Il faut travailler à l’application d’un salaire minimum pour les prestations artistiques. Aujourd’hui, beaucoup de performances artistiques tombent sous les barèmes imposés par les CCT au sein des C.P. 303, 304 et 227. L’application de ces CCT n’a toutefois pas encore été généralisée. En outre, la plupart dépendent de la nature del’employeur. Ainsi, encore trop de performances échappent à l’application de ce minimum de première nécessité.

Recommandation 2: une CTT intersectorielle qui met l’accent sur la performance et l’employé et non pas sur l’employeur.

La possibilité d’établir des droits sociaux (F)

La recherche de donneur d’ordre pour réduire les coûts artistiques oblige encore tropsouvent l’artiste professionnel à accepter des modes de paiement alternatifs qui nelui permettent pas d’avoir accès aux droits sociaux appropriés grâce aux performances qu’il réalise.

Seul un faible pourcentage des artistes-interprètes actifs parvient à se constituer un revenu stable. Travailler avec un contrat de travail devrait, en principe, assurer à l’artiste la meilleure protection sociale, mais les pratiques de l’industrie pour laquelle il travaille rendent souvent impossible l’établissement d’un contrat de travail pour chaque performance. C’est pour cette raison, entre autres, que l’artiste accepte des méthodes de paiement alternatives moins avantageuses, parfois sous le statut d’indépendant. Nous tenons à mentionner en particulier l’utilisation du régime des petites indemnités (RPI) dans des cas pour lesquels celui-ci n’est pas prévu ni autorisé.

Recommandation 3: restreindre l’utilisation d’instruments visant à rémunérer une performance réalisée par des amateurs dans des situations où la performance a été réalisée par des artistes professionnels.

Les frais propres aux performances artistiques (F)

Les prestations des artistes-interprètes entraînent souvent des petits frais de production. Ceux-ci incombent à l’artiste-employé. Toutefois, lorsqu’ils sont remboursés par l’employeur, ils seront automatiquement considérés comme uns alaire et des cotisations sociales seront prélevées.

L’artiste peut bénéficier d’une dispense s’il peut démontrer que ces dépenses se rapportent à des coûts qui incombent à l’employeur, conformément à l’arrêté royal du 28 novembre 1969. Toutefois, il se voit dans l’obligation de le faire pour chaque petite dépense : un fardeau administratif qui se répète à chaque court contrat.

Recommandation 4: dans le tableau des dépenses utilisé par l’ONSS doit êtreinclus un forfait d’exemption pour les frais propres aux performances artistiques.

Revoir le paiement par les Bureaux sociaux pour artistes (R)

Un accord avec un Bureau social pour artistes (BSA) permet à un artiste sans contrat de travail avec son donneur d’ordre d’être payé comme un employé. Le système offre une solution pour les nombreuses situations où le donneur d’ordre n’intervient pas en tant qu’employeur au sens de la législation sur les contrats de travail et où l’artiste-interprète n’a pas le statut d’indépendant.

En convertissant la facturation d’un montant – fournie par le BSA au donneur d’ordre– en un salaire payé à un employé, tous les coûts (pour le salarié et l’employeur) incombent toutefois à l’artiste-interprète, y compris les frais de gestion facturés parle BSA. Moins de 35 % du montant de la facture est reversé à l’artiste-interprète comme salaire net.

Recommandation 5: le paiement par les Bureaux sociaux pour Artistes (SBK) doit être revu dans le but d’optimiser la part nette et la cotisation sociale de l’artiste interprète.

Les artistes-interprètes souffrent aussi du chômage (F/R)

La réalité est celle d’un monde où les budgets culturels et des productions sontréduits. Et tandis que les grandes institutions et les fournisseurs de culture se restructurent pour assurer leur pérennité, l’artiste-interprète fait de plus en plus souvent face à des périodes de chômage plus longues et à des rémunérations réduites qui ne leur suffisent pas pour survivre durant ces périodes.

La situation spécifique des artistes au chômage est respectée. Grâce à une série de mesures préférentielles, on essaie, depuis 2003, de répondre à leur situation particulière. Un système pour lequel le secteur artistique belge ne peut, en principe,qu’être reconnaissant.

Le paquet de mesures qui est généralement désigné par la notion du statut d’artiste ne semble cependant par toujours aussi transparent pour toutes les partiesimpliquées et entraîne certaines discriminations en pratique (par exemple par l’exclusion des artistes-créateurs). Les récents ajustements du statut d’artiste sont parvenus à éliminer ces discriminations, en gardant les bons objectifs à l’esprit.Toutefois, le manque de clarté s’est aggravé sur certains points.

L’incertitude et la confusion règnent encore en ce qui concerne la déclaration des revenus et le calcul des jours non rémunérés. Ainsi, les salaires à la tâche sont convertis en jours non rémunérés avec 86,64 € brut comme montant de référence. Ce montant se trouve cependant bien en dessous de ce qui est prescrit par les CCT envigueur dans le secteur. Par conséquent, les artistes-interprètes qui sont payés régulièrement sur base d’un salaire à la tâche se retrouvent avec un nombre déraisonnable de jours de chômage sans allocations. Le fait que les salaires fixés dans un contrat de travail ne sont pas considérés de la même manière pour le calcul de jours non rémunérés constitue une discrimination.

À cet égard, de nouveaux pouvoirs sont conférés à une Commission Artistes étendue. Toutefois, le gouvernement doit activer d’urgence cette nouvelle commission et y garantir la place des représentants des artistes-interprètes.

En outre, le gouvernement doit prévoir au sein de ses services des formations spécifiques pour les agents qui doivent appliquer le règlement concernant lesartistes-interprètes et les auteurs. De cette façon, on peut garantir que les règles seront appliquées de manière uniforme dans tout le pays.

Recommandation 6: la Commission Artistes doit être mise en service de toute urgence, le calcul des jours non rémunérés doit être revu et des formations spécifiques des services qui appliquent le règlement concernant les artistes interprètes doivent être organisées.

Rémunération barémique (F)

Les rémunérations des artistes-interprètes dont les performances sont enregistrées sont généralement composées d’une rémunération pour la performance en soi et d’une rémunération pour les droits voisins de ces performances. La proportion dans laquelle ce ratio peut et doit être appliqué reste cependant incertaine.

En premier lieu, le donneur d’ordre/producteur devrait être contraint à respecter les rémunérations barémiques (négociés au sein du secteur ou déterminées par l’usage dans la profession). Ils existent à l’heure actuelle, mais en principe uniquement pour les contrats mensuels. Et donc pas pour les sessions en studio des musiciens et les jours de tournage des acteurs par exemple. En étendant l’application de tels barèmes, on répondrait encore mieux aux préoccupations du législateur, à savoir offrir un soutien à la partie la plus faible de la table de négociations.

Recommandation 7: les rémunérations barémiques, négociées au sein du secteur sur base d’usages professionnels équitables, doivent être entièrement appliquées. Et pour ce qui concerne le rapport entre la partie de la rémunération pour les performances et celle pour l’attribution de droits voisins, une règle générale doit être établie.

2. Les droits voisins de l’artiste-interprète

Des droits découlent des performances réalisées par les artistes interprètes, lorsqu’ils sont reconnus et exploités. Il s’agit de droits voisins, régis par la loi sur le droit d’auteur.

Revenus mobiliers (F/R)

Depuis la loi du 16 juillet 2008, les revenus de droits voisins sont irréfutablement considérés comme des revenus mobiliers. Cependant, les conséquences de cette loi au niveau du droit fiscal et social n’ont pas encore été complètement tirées, ou du moins, elles restent vagues.

Les droits voisins perçus par les artistes indépendants sont encore considérés par l’INASTI comme soumis aux cotisations de sécurité sociale. Et ce contrairement aux revenus de droits d’auteur qui en sont explicitement dispensés par l’arrêté royal sur le statut social des indépendants. C’est bien sûr un non-sens et, selon nous, une double violation du principe d’égalité et de la loi sur les droits d’auteurs et sur les droits voisins.

Même en ce qui concerne la réglementation du chômage, le caractère mobilier de revenus issus de droits voisins n’est pas suffisamment respecté et ceux-ci sont considérés à partir d’un certain seuil comme des revenus professionnels justifiant une réduction de l’allocation.

Recommandation 8: une prise en compte uniforme du caractère mobilier des revenus issus de droits voisins par toutes les administrations (fiscales, ONSS, l’INASTI, ONEM) et dans tous les domaines.

Une révision du droit d’auteur belge a récemment été approuvée. Elle devrait conduire à un renforcement de la position juridique des artistes-interprètes et des auteurs. En outre, le contrôle des sociétés de gestion a encore été étendu, d’une manière qui ne peut que stimuler la confiance des bénéficiaires de droits et des utilisateurs.

Le succès de ces changements et leur traduction dans la pratique en augmentation des revenus des artistes-interprètes, dépendra néanmoins des modalités pratiques de leur application.

La rémunération équitable (F)

La révision prévoit une extension du champ d’application de la rémunération équitable. Pour les artistes-interprètes, c’est une source particulièrement importante de revenus. Les tarifs qui sont appliqués à l’égard des utilisateurs sont imposés par le gouvernement.

Recommandation 9: il convient de veiller à ce que la nouvelle tarification pour l’utilisation qui ne tombait auparavant sous la rémunération équitable ne soit pas compensée par la baisse ou le gel des tarifs en vigueur.

Une rémunération équitable pour les exploitations numériques (E/F)

L’Europe voit très bien le nouveau paysage numérique et les nombreux nouveaux canaux pour faire parvenir du contenu créatif au consommateur. Elle reconnaît quela position des ayants-droit est sous pression d’une technologie en constante évolution et elle a déjà indiqué que des efforts doivent être fournis concernant une rémunération équitable d’application générale pour l’exploitation numérique des performances protégées.

Recommandation 10: le gouvernement doit défendre activement le droit à une rémunération équitable pour les exploitations numériques ; cette rémunération équitable doit être attribuée à l’artiste-interprète via sa société de gestion collective.

La rémunération pour copie privée (F)

En ce qui concerne la rémunération pour la copie privée, le groupe de bénéficiaires a été élargi pour y inclure les auteurs et les éditeurs d’œuvres littéraires et photographiques. L’inclusion de ces nouvelles catégories de bénéficiaires est justifiée. Elle suppose que des efforts soient bientôt fournis pour élaborer une nouvelle et juste répartition entre les différents bénéficiaires. C’est uniquement possible en pratique à condition qu’une augmentation des tarifs soit incluse dans l’arrêté royal du 18 octobre 2013. Conserver les tarifs actuels signifierait d’ailleurs que la proportion des autres bénéficiaires diminuerait sans raison. Cet arrêté royal doit également être adapté afin d’être applicable aux dispositifs et aux supports spécifiques aux travaux des nouveaux bénéficiaires.

Recommandation 11: une augmentation des tarifs de rémunération pour copies privées devrait permettre de rétribuer adéquatement les nouveaux bénéficiaires.

Rémunération pour copie privée des services en ligne (E/F)

Les développements technologiques ont rendu obsolète l’utilisation de CD et de DVD vierges pour y stocker des œuvres et des enregistrements musicaux achetés, et ont entraîné le passage aux services en ligne qui offrent de l’espace de stockage et la synchronisation des bibliothèques. Pour que la réglementation sur la rémunération des copies privées s’applique aussi à ces services, il est nécessaire d’ajuster l’article 55 de la loi sur les droits d’auteur (art. XI.229 CDE) en ajoutant une catégorie «services » à la liste existante des supports et dispositifs. Cette modification est également demandée dans le rapport Castex, adopté récemment par le Parlement européen.

Recommandation 12: la rémunération pour copie privée devrait être étendue aux services qui offrent la possibilité aux utilisateurs de créer une copie privée, ou qui leur facilitent cette tâche.

Compensation pour la retransmission par câble (F)

La révision de la loi sur les droits d’auteur entraîne en outre que les artistes-interprètes bénéficient désormais d’un droit inaliénable à une rémunération pour la retransmission par câble de leurs performances. Cela devrait leur assurer une partie des bénéfices qui découlent du succès potentiel de l’œuvre.

Dans l’application de cette nouvelle réglementation, le gouvernement doit s’assurer que les artistes-interprètes peuvent faire valoir ce droit sur la transmission de toutes leurs performances et pas seulement sur la transmission de performances réalisées ultérieurement à la promulgation de la loi.

Recommandation 13: il doit être clair que le droit à une rémunération pour la retransmission par câble s’applique pleinement à partir de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le droit d’auteur et les droits voisins.

L’obligation d’information des utilisateurs (F)

Pour certains droits voisins dont un artiste-interprète bénéficie, la gestion par une société de gestion collective est imposée par la loi. Le bon fonctionnement d’une telle gestion dépend des informations disponibles sur l’utilisation des performances des bénéficiaires. La révision de la loi sur le droit d’auteur a pris cela en compte et contraint de ce fait légalement les utilisateurs à divulguer ces informations aux sociétés de gestion, dans la droite ligne de la directive européenne récemment approuvée en matière de gestion collective des droits.

Recommandation 14: l’obligation d’information de l’utilisateur doit être concrétisée en consultation avec toutes les parties concernées.

Art. 58 § 2 de la loi sur le droit d’auteur (F)

L’article 58 § 2 de la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins (Art. XI.234 § 2 CDE) permet aux communautés de récolter trente pour cent du produit de la redevance pour la copie privée et de les investir dans la « création d’œuvres ». Ce produit représente en fait pour les artistes-interprètes un revenu direct, proportionnel à l’exploitation effective des œuvres qu’ils ont produites.

Les sociétés de gestion collective qui versent ces droits ont souvent elles-mêmes unfonctionnement social, culturel et éducatif efficace qui se concentre sur les intérêts d’un groupe cible spécifique à qui les fonds prélevés reviennent. C’est une pratique reconnue par la récente directive européenne sur la gestion collective. Une déduction supplémentaire qui se concentre uniquement sur la création de nouvelles œuvres ne ferait que conduire à une diminution des revenus de nos artistes interprètes.

Recommandation 15: suppression de l’article 58 § 2 de la loi sur le droit d’auteur(article XI.234 § 2 CDE).

L’enregistrement des droits voisins dans le décret flamand des Médias (R)

Renforcer les droits des artistes-interprètes par le législateur fédéral, donnera les résultats souhaités plus rapidement si les utilisateurs de leurs prestations sontégalement obligées par les règles régionales de respecter ces droits.

Le décret flamand des Médias du 27 Mars 2009 sur la radio et la télévision discute en détails les obligations des éditeurs de services et les distributeurs des services. Mais, malgré la grande place que les droits d’auteur et voisins prennent dans leur fonctionnement quotidien, le décret média lui-même ne s’énonce pas à cela. Ceci est en contraste à la législation des médias similaires dans les pays voisins.

Un très bon exemple de la façon dont on peut intégrer cette matière dans un décret de médias peut être trouvé près de la maison, en Wallonie. Car le décret-SMA wallon oblige tous les diffuseurs et les distributeurs de télévision de pouvoir prouver, à tou tmoment, qu’ils ont conclu les accords nécessaires avec les bénéficiaires et leurs sociétés de gestion. (Article 35). En outre, ils sont tenus de prendre en compte les coûts associés au respect de leurs obligations envers les ayants-droit dans leur planification financière (article 38) et obtiennent tous les détenteurs une place dans les Comités d’accompagnement qui se prononcent, entre autres, sur la contribution obligatoire des distributeurs à la stimulation de la production locale (article 41). L’artiste-interprète est mentionné comme une catégorie distincte avec sa propre représentation.

Recommandation 16: Le respect des obligations du droit d’auteur et des droits voisins doit être repris dans le « Décret flamand des Médias » et l’artiste interprète doit – comme tous les autres ayants-droit – avoir voix au chapitre au sein des Comités d’accompagnement de la promotion du secteur de l’audiovisuel.

3. Une politique culturelle et de subventions mettant l’accent surl’emploi des artistes-interprètes

Par sa politique culturelle et de subventions, le gouvernement devrait viser l’emploi et la juste rémunération de l’artiste-interprète. Pourtant, la politique culturelle en Flandre et en Wallonie met plutôt l’accent sur le soutien à une superstructure culturelle. Les montants importants engagés pour soutenir les acteurs culturels ne sont malheureusement pas liés à une politique favorisant l’emploi des artistes.

Recommandation 17: une politique culturelle digne de ce nom doit permettre un taux d’emploi maximal, ainsi qu’une meilleure rémunération des artistes.

La position de l’artiste-interprète dans un emploi ou un projet (R)

La généralisation d’un régime de rémunérations minimales pour la réalisation deperformances semble évidente en ce qui concerne l’emploi des artistes-interprètesdans les institutions subventionnées par le gouvernement.

Dans les deux communautés, les organisations et les institutions sont les premiersbénéficiaires de subventions. Les artistes individuels ne le sont qu’indirectement ou pas du tout.

Recommandation 18: le financement des acteurs culturels avec des fonds publics devrait être lié aux attentes et aux résultats en termes d’emploi des artistes-interprètes).

La représentation de l’artiste-interprète (F/R)

Les esprits créatifs en général et les artistes-interprètes en particulier ne sont pas incités par le gouvernement à s’organiser indépendamment pour défendre leurs intérêts et influencer directement la politique. Encore une fois, toutes les ressources pour l’organisation et le fonctionnement de la superstructure culturelle (centres culturels, organismes artistiques, lieux de représentation…) ne reviennent pas aux artistes eux-mêmes.

Le gouvernement peut contribuer à un secteur culturel sain en soutenant le fonctionnement des organisations et en assurant la représentation de l’artiste-interprète au sein des organes décisionnels et révisionnels pour et par leur organisation représentative.

Recommandation 19: la défense des intérêts des artistes-interprètes doit être facilitée afin d’assurer une présence maximale de la voix de l’artiste-interprète dans tous les aspects de la politique.

La formation de l’artiste-interprète (R)

Les académies des arts dans ce pays font un bon travail de formation artistique. Mais quand une telle formation est organisée dans l’enseignement supérieur et professionnel, elle devrait s’étendre au-delà de l’aspect purement artistique. Les jeunes artistes qui s’inscrivent à de tels programmes de formation manifestent en effet leur désir de faire carrière grâce à leurs performances artistiques. C’est pourquoi la formation doit également former en profondeur les artistes dans les domaines commerciaux et juridiques, sans pour autant que l’artiste ne soit considéré comme un simple entrepreneur.

Il est urgent de sensibiliser particulièrement au sujet des droits voisins et des autresdroits de propriété intellectuelle. Les performances artistiques et les droits voisins qui en découlent obligent souvent les parties contractantes à une coopération à long terme, malgré les périodes contractuelles parfois courtes. Du côté de donneur d’ordre une telle formation est également souhaitable. Une bonne compréhension par les deux parties de la portée et de l’impact des dispositions contractuelles est absolument nécessaire.

Ainsi, nous constatons par exemple encore trop souvent une utilisation erronée du régime des petites indemnités (RPI) pour régler le transfert des droits d’auteur et/ou des droits voisins. Cette pratique n’est pas autorisée, ne serait-ce que parce que le RPI n’est pas un contrat répondant aux exigences du droit d’auteur pour un tel transfert.

Recommandation 20: fournir plus d’efforts pour développer les compétences nécessaires – via la formation artistique – dans les aspects commerciaux et juridiques de la profession.

Le gouvernement devrait aussi s’intéresser à la formation de cadres, des agents etdes autres intermédiaires qui connaissent les besoins des artistes. Ces intermédiaires sont également utiles pour optimiser une politique forcément orientée vers l’internationalisation, restructurée pour la profession et basée sur des mécanismes de sélection réfléchis. Aujourd’hui, nous constatons en tous points que les instruments d’exportation et de financement existants ne sont pas encore suffisamment adaptés aux besoins et à la réalité du/des secteur(s).

Recommandation 21: travailler à la construction d’une politique professionnelle, ambitieuse et complète orientée vers l’exploitation internationale des performances de nos artistes-interprètes – une nécessité pour un pays avec si peu de débouchés.

Il est clair qu’il y a encore du pain sur la planche dans le large secteur d’activités des artistes-interprètes de ce pays. Avec ce mémorandum, nousespérons interpeler les gouvernants sur la nécessité de s’y atteler sérieusement et nous appelons à l’ouverture du dialogue. PlayRight a établi ce mémorandum dans l’intérêt de tous les artistes-interprètes. La meilleure politique ne peut aboutir en cette matière que lorsque ces intérêts sont pris en compte. PlayRight peut jouer ici un rôle actif et de soutien. Les forces qui agissent aux divers niveaux de pouvoir peuvent donc compter sur l’action constructive et la collaboration des auteurs de ce mémorandum. Notre expérience et savoir-faire relatifs aux thèmes soulevés, notre connaissance des groupes professionnels et de la complexité du terrain et notre représentativité pourront, nous le pensons et l’espérons, être appréciables.

Nous réagirons donc toujours positivement à vos demandes de concertation.

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