Guidelines contractuelles relatives à l’IA 

27 février 2024

A quoi devraient prêter attention les artistes-interprètes dans leurs contrats avec les producteurs afin d’enrayer les effets négatifs des récents développements technologiques relatifs à l’intelligence artificielle (IA) ? 

  • De manière générale, les artistes-interprètes devraient se méfier des clauses contractuelles vagues qui pourraient s’étendre à des formes d’utilisation inconnues, y compris impliquant l’IA, et si possible supprimer ces dispositions ou en définir plus précisément l’objectif de l’utilisation pour laquelle le contrat est rédigé. 

    Le contrat devrait en tout état de cause définir avec précision l’usage attendu des prestations en utilisant des termes et notions (juridiques) précis: droit de reproduction, droit de communication au public (y inclus le droit de mise à la disposition du public), droit de synchronisation. De même, les autorisations liées aux droits personnels et de la personnalité (utilisation de la voix, d’images, de caractéristiques personnelles, etc.) et leur finalité devraient être définies avec précision en fonction de l’objectif pour lequel elles sont accordées. A cet égard, il est recommandé de limiter l’autorisation aux éléments identifiants de l’artiste (nom, pseudonyme, nom d’artiste, image et portraits) uniquement dans le cadre du marketing et de la promotion des (reproductions des) enregistrements de l’artiste et de leur exploitations. De cette manière, si une prestation ou des caractéristiques sont exploitées au-delà de ce qui a été convenu, l’artiste-interprète serait en droit d’exiger des paiements supplémentaires. Dans ce cas, il est recommandé d’utiliser un document distinct du contrat original. Par ailleurs, les usages non désirés (par ex. « deepfakes ») pourraient indubitablement être interdits.  
  • L’objet et le champ d’application du contrat doivent donc être strictement définis en indiquant clairement les modes d’exploitations envisagées, réalisées par qui (le producteur ou toute partie qu’il autoriserait ?), sur quelles prestations précisément (préexistantes ou futures) et/ou quels droits personnels ou de la personnalité de l’artiste-interprète (la voix, l’image, le portrait ou toute autre caractéristique de l’artiste-interprète) qui seraient utilisés individuellement ou conjointement avec les prestations enregistrées, si une transformation est envisagée ou non, et si oui, de quelle étendue, en prévoyant ou non une utilisation dans un processus de machine learning ou dans tout autre processus faisant intervenir l’IA, et/ou sur d’autres plateformes ou médias utilisant la technologie de l’IA. L’autorisation devra également préciser clairement les détails relatifs à la durée, au territoire et à la rémunération appropriée y relative. 

  • Dans ce cadre, il doit être tenu compte de l’article XI.205, §3 CDE, qui indique notamment que : 
    • Pour chaque mode d’exploitation, la rémunération de l’artiste-interprète ou exécutant, l’étendue et la durée de la cession ou de la licence doivent être déterminées expressément. 
    • Nonobstant toute disposition contraire, la cession des droits ou l’octroi d’une licence concernant des formes d’exploitation encore inconnues est nulle. 
    • La cession ou la licence des droits patrimoniaux, relatifs à des prestations futures n’est valable que pour un temps limité et pour autant que les genres de prestations sur lesquels porte la cession ou la licence soient déterminés. 
  • Une option d’opt-out pour ce qui concerne l’exception relative au text and data mining (TDM) est à prévoir afin d’interdire que les prestations faisant l’objet du contrat ne puissent être échantillonnées et/ou utilisées pour former des algorithmes d’intelligence artificielle (dans le cadre de « machine learning »). 

  • Il serait encore possible d’inclure une clause contractuelle spécifique exigeant l’autorisation préalable de l’artiste-interprète pour nouvelle utilisation, y compris toute transformation, de toute prestation préexistante ou future et/ou des droits personnels et de la personnalité de l’artiste-interprète, par le producteur ou toute partie qu’il autoriserait, en ce compris pour une utilisation dans des systèmes d’IA ou d’autres plateformes ou médias utilisant la technologie de l’IA, et ce, sous peine d’interdiction d’utilisation ou de pénalité. Cette autorisation spécifique devra être obtenue par écrit et devra définir avec précision les utilisations possibles des prestations, des données personnelles, de la voix, de l’image, du portrait et de toute autre caractéristique de l’artiste-interprète qui seraient utilisées individuellement ou conjointement avec les interprétations ou exécutions enregistrées dans un processus de machine learning ou dans tout autre processus faisant intervenir l’IA. L’autorisation spécifique devra également préciser clairement les détails relatifs à la durée, au territoire, à l’étendue de l’utilisation et particulièrement à la rémunération appropriée supplémentaire y relative. 
  • Il serait également utile de spécifier par une clause contractuelle supplémentaire qu’aucune nouvelle prestation enregistrée sans intervention humaine de l’artiste-interprète ne peut être publiée ou communiquée au public, et que tous les enregistrements faisant l’objet du contrat doivent contenir des performances enregistrées directement exécutées par l’artiste-interprète.  

  • Si l’artiste-interprète accepte la diffusion de nouveaux enregistrements sans intervention humaine, la méthode de calcul et le tarif des royalties doivent être prévus et les prestations sans intervention humaine devront être mentionnées comme telles. En effet, l’utilisation des droits des artistes-interprètes par l’intermédiaire d’une IA a une valeur économique qui doit être reflétée dans le contrat. Dans ce cas, il est recommandé d’utiliser un document distinct du contrat original. 

  • Dans certains cas, il serait intéressant de mettre en place un mécanisme de mise à jour du contrat de commun accord qui permettrait de tenir compte des évolutions technologiques de l’intelligence artificielle et/ou des utilisations y relatives qui n’avaient pas été envisagées auparavant et de leurs implications pour les droits de l’artiste-interprète. Il est encore pertinent de prévoir une obligation de transparence dans le contrat, a minima conforme au prescrit de l’article XI.205/2 CDE – soit une obligation de fournir, au moins une fois par an, des informations actualisées, pertinentes et complètes, sur l’exploitation des prestations, notamment en ce qui concerne les modes d’exploitation, l’ensemble des recettes générées et la rémunération due. 

  • Il est encore pertinent de prévoir une obligation de transparence dans le contrat, a minima conforme au prescrit de l’article XI.205/2 CDE – soit une obligation de fournir, au moins une fois par an, des informations actualisées, pertinentes et complètes, sur l’exploitation des prestations, notamment en ce qui concerne les modes d’exploitation, l’ensemble des recettes générées et la rémunération due.

  • L’artiste-interprète ne peut pas renoncer globalement à l’exercice futur de son droit moral inaliénable sur sa prestation. Toute clause dans ce sens serait nulle. Il conserve en toutes hypothèses le droit de s’opposer à toute déformation, mutilation ou autre modification de sa prestation ou à toute autre atteinte à celle-ci, préjudiciables à son honneur ou à sa réputation (article XI.204 CDE). Une clause supplémentaire peut être prévue mais n’est pas nécessaire. 

  • Quand cela est possible, le droit applicable devrait être le droit belge, ou à défaut un droit national d’un Etat membre de l’Union européenne, et les juridictions compétentes devraient être les juridictions belges, ou à défaut les juridictions d’un Etat membre de l’Union européenne. 

Exemple de clause contractuelle standard en vue d’exclure l’usage de l’IA 

A la lumière de ce qui précède, voici ci-dessous un exemple de clause standard visant à exclure l’usage de l’IA. Cette clause a pour seule vocation de servir d’illustration et pourrait ne pas être pertinente dans toutes les circonstances liées aux contrats conclus par les artistes-interprètes, en ce compris dans le cas où lesdits contrats ne seraient pas soumis au droit belge. PlayRight s’exonère donc de toute responsabilité quelconque y relative et recommande, le cas échéant, d’adapter cette clause à la situation dans laquelle elle s’inscrit, de préférence avec l’assistance d’un juriste ou avocat spécialisé. 

Exemple de clause d’opt-out concernant tant les prestations que les droits de la personnalité 

« Les prestations enregistrées faisant l’objet du présent contrat, ainsi que ses droits personnels ou de la personnalité de l’artiste-interprète, en ce compris, mais sans s’y limiter, sa voix, son image, son portrait ou toute autre de ses caractéristiques, individuellement ou conjointement avec les prestations enregistrées faisant l’objet du présent contrat, en l’état ou après avoir subi une transformation quelconque, ne peuvent en aucun cas être reproduits, communiqués au public, publiés, échantillonnés et/ou autrement utilisés de quelque manière que ce soit à des fins d’entraînement de technologies d’intelligence artificielle pour générer des images, des vidéos et/ou des sons, ou à des fins d’évaluation et de validation des modèles générés par l’intelligence artificielle ou par ordinateur,  en ce compris, mais sans s’y limiter, des technologies capables de générer des prestations dans le même style ou le même genre que les prestations enregistrées, et/ou encore dans le cadre de tout autre processus faisant intervenir l’intelligence artificielle, en ce compris les technologies actuelles telles que les modèles d’apprentissage automatique, les réseaux neuronaux et les algorithmes d’apprentissage profond, ainsi que tout autre développement technologique futur susceptible de faciliter la création, la modification ou la synthèse des prestations enregistrées de l’artiste-interprète ou de ses caractéristiques, en ce compris, mais sans s’y limiter, en vue de générer de nouvelles prestations, des images, des vidéos et/ou des sons enregistrés sans intervention humaine de l’artiste-interprète. » 

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