Il y a une bonne dizaine d’années, après que les autorités publiques belges ont décidé de retirer à Uradex l’autorisation d’agir à l’époque en tant que société de gestion collective, plus personne n’aurait misé un centime sur l’avenir de la gestion collective des droits des artistes-interprètes en Belgique. PlayRight naquit, tel un phœnix, des cendres d’Uradex. Une nouvelle équipe, animée d’une dynamique professionnelle, investit énergie, moyens et savoir-faire dans un environnement innovant et veilla à obtenir, à terme, une gestion collective performante des droits des artistes-interprètes. Aujourd’hui notre organisation se présente comme une « maison », une référence tant dans notre pays qu’à l’étranger, un standard.
Une société de gestion collective est par excellence pour la corporation des artistes (chanteurs, musiciens et acteurs) une force de cohésion. Ceux-ci sont selon la loi aussi responsables de la bonne organisation de la société de gestion collective de leurs droits. La débâcle d’Uradex était à plus d’un égard une mise en demeure des autorités de faire mieux, et les artistes ont relevé ce gant. Nous devons constater aujourd’hui que de se son côté les autorités ne respectent pas leurs engagements sur le plan législatif envers la communauté artistique dans notre pays. Elles ne daignent pas exécuter leurs propres lois, avec pour conséquence que plusieurs millions d’euros qui reviennent aux ayants droit ne peuvent être perçus. Ceci témoigne d’un profond mépris envers tous les artistes en ce pays, et pour la bonne implication qu’ils ont consentie afin de s’organiser comme la loi le prévoit.
Le cœur du problème est que les modifications cruciales qui ont été apportées à la législation du droit d’auteur par le gouvernement fédéral précédent, et notamment celles qui auraient amélioré la position des artistes-interprètes, sont restées lettre morte depuis pratiquement trois ans. L’exécution qui doit être signifiée par des arrêtés royaux, est systématiquement reportée sans plus de manières. Il s’agit notamment de l’ouverture du régime de la rémunération équitable aux acteurs (pour l’exécution publique de leurs prestations dans les films et séries TV), l’extension de ce régime pour les musiciens à la musique diffusée sur le lieu de travail et – last but not least – l’attribution aux artistes-interprètes d’une partie des droits de câble pour lesquels les câblodistributeurs facturent annuellement dans ce pays des dizaines de millions d’euros aux consommateurs, mais dont les artistes n’ont pas encore vu un centime. En matière de création d’un organe de concertation pour le secteur audiovisuel et sur le contrôle des contrats que les câblodistributeurs concluent avec les différentes sociétés de gestion, il n’y a également encore aucune avancée.
Pour tous ces acquis, il aura fallu attendre des décennies pour que le législateur consente finalement à mettre fin à l’insécurité juridique, que sa propre législation imparfaite avait créée, en instaurant en 2014 le nouveau Code de droit économique (plus particulièrement le livre XI relatif à la propriété intellectuelle). Alors que le cadre législatif correct est réalisé, les autorités refusent de le mettre en vigueur. Elles mettent aussi couramment sur le côté les règlementations européennes.
À propos de l’Europe : au Berlaymont, à Luxembourg et Bruxelles, des débats sont en ce moment précis menés à propos de la réforme vitale du droit d’auteur et des droits voisins. Cela honorerait notre gouvernement belge de pouvoir enfin apporter une contribution par une vision claire, adaptée aux points de vue des acteurs du secteur artistique. Un tel enrichissement de la législation européenne est absolument nécessaire, pour que les artistes – auteurs aussi bien qu’interprètes – puissent tenir tête aux positions privilégiées des grandes puissances de l’internet, qui ne crée elles-mêmes aucune valeur mais parasitent celles créées par d’autres. Concrètement, les artistes revendiquent une rémunération honnête pour l’exploitation de leurs enregistrements par voie numérique, téléchargement et streaming donc. A ce propos, il existe au sein de nos organisations nationales et internationales des points de vue réfléchis et des propositions réalisables. Étant donné que les musiciens et les acteurs sont la condition sine qua non de toute création, ils sont mieux entendus par la Commission, le Parlement et le Conseil. Et par le gouvernement belge évidemment, s’il voulait consentir un important effort au secteur culturel de ce pays.
Pour le monde extérieur, critiquer les sociétés de gestion est peut-être devenu un sport, au prétexte que ces organisations rechercheraient seulement une grande partie de leurs revenus – mais le fait est qu’elles sont portées par les auteurs et les artistes-interprètes. Précisément parce qu’il est question des obligations de rémunération et d’ayants-droit, les sociétés de gestion sont à juste titre soumises à des règles légales strictes et aux contrôles appropriés. Malgré cela, certains mythes restent tenaces, comme celui qui voudrait que les sociétés de gestion retiendraient (et même détourneraient) des sommes incroyables en frais de fonctionnement. Réfuter ces sortes de propos déborderait du présent cadre, mais je me limiterais ici à dire qu’un simple calcul nous a appris que si les droits de câble auxquels nos artistes ont droit versés, les frais de fonctionnement de PlayRight diminueraient en un seul coup d’un tiers.
Là où le prédécesseur de PlayRight s’est vu à l’époque reproché immobilisme et lenteur par le ministre de l’Économie compétent, nous pouvons maintenant facilement renvoyer la balle. Dans le cas présent, les dupés n’ont malheureusement pas la possibilité de retirer aux responsables leur autorisation d’exercer.
Luc Gulinck,
Président du Conseil d’Administration de PlayRight